Architecture : salaires, bien-être et heures non rémunérées en débat


Architecture : salaires, bien-être et heures non rémunérées en débat


Architecture : salaires, bien-être et heures non rémunérées en débat

Le secteur de l’architecture traverse actuellement une période de remise en question profonde, mise en lumière par la récente publication du rapport 2025 du Royal Institute of British Architects (RIBA). Ce document, publié fin avril 2025, révèle une situation préoccupante concernant les conditions de travail des architectes au Royaume-Uni, avec des implications qui résonnent dans toute la profession à l’échelle internationale.

Un constat alarmant sur les conditions de travail

Le rapport du RIBA, basé sur une enquête menée auprès de plus de 1 450 professionnels de l’architecture, dresse un tableau particulièrement inquiétant. Selon les données recueillies, 90% des employés dans les cabinets d’architecture travaillent régulièrement au-delà de leurs heures contractuelles, et deux tiers des architectes effectuent des heures supplémentaires non rémunérées, sans compensation financière ni récupération.

Cette culture de l’engagement non rémunéré s’est malheureusement installée comme une norme dans le secteur, fragilisant considérablement l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le président du RIBA, Muyiwa Oki, s’est déclaré « extrêmement préoccupé » par ces révélations, soulignant que malgré sa passion pour cette profession qu’il considère comme « brillante et épanouissante », il est difficile d’accepter que tant de professionnels soient surmenés, sous-payés et insuffisamment soutenus.

La question salariale au cœur des préoccupations

L’un des aspects les plus alarmants du rapport concerne les niveaux de rémunération. La majorité des professionnels de l’architecture au Royaume-Uni ne perçoivent pas le « Real Living Wage », un seuil défini pour garantir un niveau de vie décent. Cette situation touche particulièrement les jeunes professionnels et ceux en début de carrière, qui se retrouvent doublement pénalisés par des salaires bas et des heures supplémentaires non rémunérées.

Selon une analyse publiée dans le Building Design Online (BD), les revenus des architectes ont chuté d’environ 20% en termes réels au cours des 25 dernières années. Cette baisse significative du pouvoir d’achat entraîne une migration des talents vers d’autres industries offrant des salaires nettement plus élevés.

La situation est particulièrement critique pour les architectes ayant des responsabilités familiales. Comme le souligne Aga Szedzianis dans BD, le salaire actuel d’un architecte en Part 2 (équivalent à un diplômé de master) couvre à peine les frais de garde d’enfant à Londres pour un seul enfant. Avec deux enfants, même le salaire d’un architecte qualifié suffit tout juste à couvrir les frais de garde et de transport. Cette réalité économique place de nombreux professionnels, particulièrement les femmes, devant un choix difficile : investir dans la garde d’enfants pour exercer un métier stressant aux horaires souvent prolongés, ou quitter temporairement, voire définitivement, la profession.

Impact sur la santé mentale et l’équilibre de vie

Le rapport du RIBA met également en évidence les conséquences de ces conditions de travail sur la santé mentale des architectes. 54% des employés en cabinet déclarent que leur travail nuit à leur santé mentale. La pression des délais, la charge de travail excessive et le manque de reconnaissance salariale contribuent à cette dégradation du bien-être psychologique.

Les personnes ayant des responsabilités familiales, majoritairement des femmes, éprouvent des difficultés particulières à trouver un équilibre entre les exigences professionnelles et leurs engagements personnels. Cette situation explique en partie pourquoi, bien que 50% des diplômés en architecture soient des femmes, elles ne représentent que 30% des architectes inscrits à l’ARB (Architects Registration Board).

Des pistes d’amélioration et initiatives positives

Face à ce constat préoccupant, le RIBA s’est engagé à améliorer les standards de bien-être au travail parmi ses cabinets enregistrés. Plusieurs pistes d’amélioration sont envisagées, notamment une revalorisation des grilles salariales, une meilleure transparence sur les heures travaillées et la mise en place de dispositifs de soutien psychologique.

Certains cabinets d’architecture avant-gardistes expérimentent déjà de nouvelles approches : semaine de quatre jours, horaires flexibles, télétravail, ou encore accès à des services de coaching et de médiation. L’adoption de chartes internes sur le bien-être et la rémunération équitable pourrait également devenir un critère d’attractivité pour les jeunes diplômés.

Le guide des salaires architecturaux 2025 de Hunter Dunning, publié début avril, a également relancé les conversations autour de la rémunération, des avantages et de la satisfaction professionnelle dans le secteur architectural. Ces discussions sont essentielles pour faire évoluer les mentalités et les pratiques.

Un enjeu pour l’avenir de la profession

Le débat sur les conditions de travail dans l’architecture s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’évolution des métiers créatifs face aux défis contemporains. La profession doit s’adapter à de nouveaux enjeux économiques, technologiques et sociétaux, tout en valorisant davantage le capital humain qui constitue sa principale richesse.

Si le secteur affiche des signes de dynamisme économique, cette embellie ne se traduit pas encore par une amélioration significative des conditions de travail. La prise de conscience collective amorcée par le rapport du RIBA marque néanmoins un tournant potentiel pour la profession.

L’avenir de l’architecture dépendra largement de la capacité du secteur à offrir des conditions de travail dignes, attractives et compatibles avec les aspirations contemporaines. Sans une transformation profonde des pratiques managériales et une reconnaissance accrue de la valeur du travail architectural, la profession risque de continuer à perdre des talents précieux au profit d’industries plus rémunératrices et offrant un meilleur équilibre de vie.

Conclusion

La publication du rapport du RIBA sur le lieu de travail et le bien-être agit comme un signal d’alarme pour l’ensemble du secteur architectural. Elle révèle l’urgence d’améliorer les salaires, la reconnaissance professionnelle et le bien-être des architectes.

Si des initiatives encourageantes émergent, la transformation durable des conditions de travail reste un défi collectif qui nécessitera l’engagement de tous les acteurs : cabinets, institutions, écoles et professionnels eux-mêmes. L’attractivité et la pérennité de la profession dépendront de cette capacité à placer l’humain au cœur de l’architecture de demain, non seulement dans les projets conçus, mais aussi dans l’organisation même du travail architectural.

ÉTIQUETTES

Catégories

Aucune réponse

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *